INQUISITION, L`ARME D`UN POUVOIR ABSOLU.
PUBLIÉ DANS LES "CAHIERS SCIENCE & VIE" Nº 102 - DÉCEMBRE 2007/JANVIER 2008
AUTEUR: EMMANUEL MONNIER
LA PREMIÈRE PART
Sale temps pour la dissidence. Le Pape Grégoire IX ,en Février 1231,anonce brutalement la couleur: CATHARES et PATARINS, VAUDOIS et autres hérétiques qui prétendent s`affranchir de l`Église de Rome seront excommuniés sans délai,ainsi que quiconque parlerait avec eux ou négligerait de les dénoncer. Toute discussion, quelle soit public ou privée, entre laïcs au sujet de la foi est désormais interdite. Et des tribunaux spéciaux sont vite crées pour les récalcitrants, dont les Juges ne dépendent que de Rome et n`ont de compte à rendre qu`au Pape.
En quelques mois,la machine de l`Inquisition se met en branle.
Elle régnera sur les âmes pendant près de cinq siècles.
Il faut dire que pour l`Église, la situation au XIIIème siècle est devenue très inconfortable. En Italie et le long du Rhin la nouvelle bourgeoise des villes se piquent d`interpréter elle-même les Évangiles.Et dans les villes du Midi, le comble est atteint: les "bons hommes" ou "CATHARES" ne remettent-ils pas en cause ,dépuis de décennies, la ligitimité des Prêtres à donner les sacréments? Pire, les voilà qui rejettent les sacréments eux-mêmes. Évêques et curés ne cessent pas de se faire rabrouer, dans leur propre Diocèse, par ces nouveaux manichéens.
Pour le Pape, qui prétend régner sur ses fidèles en monarque absolu, depuis la réforme grégorienne, l`idée qu`il puisse y avoir d`autres autorités spirituelles que lui auxquelles une partie de la population pourrait avoir récours, est inacceptable.Il n`est d`ailleurs pas seul à en prendre ombrage. Car ces hérétiques, en refusant par ailleurs l`usage du serment, qui scelle au Moyen Âge toutes les relations sociales, et en niant aux Seigneurs le droit de rendre Justice et d`appliquer la peine de mort, menacent l`ensemble des pouvoirs établis. "La dissidence porte en elle la dissolution du sistème féodal", n`hésite pas à écrire l`historien JEAN-LOUIS BIGET dans son tout dernier ouvrage (HÉRESIE ET INQUISITION DANS LE MIDI DE LA FRANCE,ED.PICARD,2007).
On ne s`étonnera guère dès lors de voir Seigneurs et Pape s`unir pour défendre bec et ongles leurs intérêts.
Les premiers à en faire les frais seront les Èvêques locaux, que le Pape juge à la fois trop indépendants et indulgents.Une série de purges permettra de réaffirmer le pouvoir absolu de Rome sur ses prélats.
L`engrenage s´enclenche ,vers toujours plus de répression. "Le dévéloppement des pouvoirs de l`Église suscite de plus en plus de contestations, et le dévéloppement de ces contestations justifie en retour de dévélopper encore davantage les pouvoirs de l`Église,elles justifient ces pouvoirs d`exception que la Papauté s`attribue en créant les tribaunaux de l`Inquisition", analyse JULIEN THÉRY, Maître de Conferences au Centre d`Études des Civilisations Méditérranéennes de l`Inquisition languedocienne.
Un vrai cercle vicieux dans lequel le Papeau final, y trouve largement son compte.
Car l`hérésie lui fournit une belle occasion d`affirmer, sur l`ensemble du monde chrétien la primauté du spirituel sur tous les autres pouvoirs. "Le combat contre la dissidence vient ainsi,après 1140, relayer le thème de la réforme et s`ajoindre à l`ideal de la croisade, qui ont été les ressorts essentiels du gain d`autorité du Sain-Siège",écrit JEAN-LOUIS BIGET.
En créant ces tribaunaux d`Inquisition, GRÉGOIRE IX coupe en particulier l`herbe sous le pied de son rival l`Empereur Frédéric II, qui aurait pu revendiquer un rôle de gardien de la foi: ne lui en déplaise,ce sont les Juges du Pape, et eux seuls, qui déterminent qui est hérétique, le pouvoir des rois se limitant à exécuter la sentence. "L`Inquisition permet en outre au Pape d`intervenir partout et de combatre ses ennemis en évoquant la défense de la foi. Arme évidémment redoutable", poursuit JEAN-LOUIS BIGET.
l`hérésie , en somme,a bon dos.Et le Souverain Pontif prendra un malin plaisir à étendre à l`infini ce concept,pour lui faire englober toute résistance et toute désobéissance à son autorité.
LA FIN DE LA PREMIÈRE PART
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