terça-feira, 29 de abril de 2008

LES ÉVANGILES CACHÉS - 29.04.08


LES ÉVANGILES CACHÉS - PAR JEAN BAPTISTE GOUYON (PUBLIÉS DANS LES CAHIERS SCIENCE & VIE Nº 83 -OCTOBRE 2004).
Il est des Évangiles que l`Église de Rome a relégués dans l`ombre.
Et, pourtant,quelques-uns de ces écrits dits "apocryphes" sont anterieurs aux textes canoniques.

En matière d`Évangiles,il y a les canoniques et les apocryphes.
Les premiers, signés MATHIEU, MARC,LUC et JEAN,se trouvent dans n`importe quelle édition du NOUVEAU TESTAMENT.
Les seconds, attribués ,entre autres, aux Apôtres JACQUES, PIERRE, THOMAS,PHILIPPE,ou encore BARTHÉLEMY,sont en revanche moins diffusés.
L`Église,celle de Rome,s`en est démarquée à partir du IVème siècle et n`a pas souhaité que leur fût fait trop de publicité. L`épithète même d`apocryphes,qui litteralement signifie cachés, indique le statut qui leur est conféré:ces Évangiles sont interdits, parce que inautenthiques.Que leur manque-t-il donc qui justiferait une telle différence de trattement ?
Est-ce une question d`antériorité? Les apocryphes seraient-ils postérieurs aux canoniques? " On reconnaît volontiers aujourd`hui que maints apocryphes sont contemporains des futurs textes canonisés et que certains peuvent même être plus anciens que ces derniers",répond Pierre Geoltrain et François Bovon dans l`intrduction au volume de la Péiade qui regroupe plusieurs écrits apocriphes chrétiens (Écrits apocriphes chrétiens,Gallimard,1997).
Citons l`Évangile de THOMAS,un recueil de paroles , des "logia" attribuées à JÉSUS,constitué vers 70-80.D`aucuns le font mêmeremonter à l`an 50. Il est aujourd`hui considéré comme l`un des documents utilisés par les auteurs des Èvangiles canoniques pour mener à bien leur travail.Si ce n`est pas sa date de rédaction qui fait un apocryphe regardons du côté du contenu.
L`essentiel de ce que s`attachent à transmettre les Évangiles canoniques est le discours de JÉSUS,support de son enseignement.
Au millieu du IIème siècle,JUSTIN MARTYR´, l`un des premiers "PÈRES DE L`ÉGLISE",décapité en 165,fait référence à JÉSUS dans ses écrits apoplogétiques,non pas comme à un personnage historique,mais comme au VERBE,au LOGOS incarné. On a vu lá une tentative d`unir la doctrine chrétienne naissante avec la pensée platonicienne.

I.-LA PART DU MERVEILLEUX
Ls miracles, eux,ne jouent qu´un rôle "secondaire" dans les Évangiles canoniques.La preuve semble en être que ces textes ne s`accordent pas à leur sujet.
Les mêmes miracles ne sont pas mentionnés d`un Évangile à l`autre,ou pas dans le même ordre; qui plus est, là où les trois Évangiles de Mathieu,Marc et Luc en narrent une vingtaine ,celui attribué à Jean,le plus tardif,n`en rapporte que sept.
Dans de nombreux apocryphes en revanche,le merveilleux abonde. Les thèmes autour desquels ils s`organisent sont les mêmes que dans les canoniques: pour l`essentiel des guérisons et des résurrections.Toutefois,lorsqu`ils abordent le miraculeux,les auteurs d`apocryphes ne reculent pas devant la surenchère.
Les guérisons sont nombreuses et s`effectuent parfois à distance,les résurrections,au sujet desquelles les canoniques se montrent fort discrets ( tous textes confondus trois seulement sont attribués à JÉSUS),sont fréquéntes.Quant aux deux événements marquant les bornes de l`existence de JÉSUS,sa naissance,atypique, et sa crucifixion,le lecteur des apocryphes est informé de détails et de épisodes introuvables dans les canoniques.
Pourquoi tant insister sur le merveilleux? Faut-il y voir une volonté de mystification? Non,répondent PIERRE GEOLTRAIN et FRANÇOIS BOVON.Les apocryphes sont tout simplement les témoins "de l`extrême diversité des traditions,des interprétations et des construtions théologiques qui furent le propre du christianisme ancien". S`ils ont pu être rapidement accusés d`héterodoxie,voire d`hérésie, c`est "lorsque s`est manifesté le désir d`unifier l`Église et de réorganiser son discours,dans le temps même où le pouvoir impérial passait au christianisme".
Les écrits apocryphes témoignent donc les divers cultures dans lesquelles la foi chrétienne s`est répandue au Ier comme au IIème siècle de notre ère. Il n`est alors pas surprenant d`y retrouver les motifs de cultures autres que la culture judaïque, surtout lorsqu`il s`agit des éléments qui permettent d`affirmer la divinité du héros de ces récits-JÉSUS.
Toute histoire,d`où qu`elle vienne, qui met en scène un personnage central prétendant à la divinité,attribuée à celui-ci des actes extraordinaires et des aventures qui ne le sont pas moins. Pour présenter ce nouveau DIEU il fallait bien lui prêter les caracteristiques propres à faire accepter l`idée qu`il en était un.
Car "les apocryphes ne sont pas nés des croyances populaires . Leur rédaction est l`oeuvre de clercs et de cercles cultivés ; ils connaissent les règles du genre et ont le sens de la mise en scène,même s`il est prèsque impossible aujourd`hui de dire où,quand et pour qui très précisément cette rédaction a été faite",rappellent P.GEOLTRAIN et F.BOVON.
Étant donné l`ère géographique de diffusion du christianisme primitif,principalement l`Empire Romain et le pourtour du bassin méditérrannéen, de nombreux points communs avec les récits de la mythologie grecque et romaine sont répérables dans les apocryphes.
Ainsi,à l`image d`Asclepios,JÉSUS guérit,par la parole,le toucher,le soufle.Tel Hercule,Orphée,ou plus tard Énnée,il descend aux enfers. L`aventure est passée sous silence dans les canoniques mais racontée,parmi d`autres,dans "LES QUESTIONS DE BARTHÉLEMY", un texte apoccryphe du IIème siècle: "et lorsque les ténèbres se firent,moi, j`avais les yeux fixés sur toi et je te vis disparaître de la croix(...). Fais-moi connaître ,SEIGNEUR,où tu es allé en quittant la croix".JÉSUS répondit et lui dit: "heureux es-tu, Barthélémy, mon bien aimé,parce que tu a vu ce mystère. Maintenant,donc,je vais te faire connaître tout ce sur quoi tu m`as interrogé. Lorsque j`ai disparu de la croix,c`est alors que je suis descendu dans l`Hadès pour en faire sortir ADAM et tous les Patriarches ,ABRAHAM,ISAC et JACOB,suivant la requête de l`Archange MICHEL"(Écrits apocryphes chréties,Gallimard,1997, p.268, tradution de JEAN-DANIEL KAESTIL).
Dans cette veine de textes apocryphes qui donnent à lire des événements inédits,l`Évangile de l`Enfance selon THOMAS est emblématique. Il est en effet question d`une periode de la vie de JÉSUS laissé de côté dans les Évangiles canoniques.Et comme de juste,cette enfance est l`occasion de nombreux miracles qui confirment,dès son plus jeune âge,la nature surhumaine du héros.Il insuffle la vie à des statuettes d`argile,maltraite ses petits camarades ou bien les résuscite,ou encore se montre,en sagesse et en savoir,très supérieur à ses professeurs.
Selon une antique tradition ,ce récit de l`enfance est le fait de l`apôtre Thomas, dont les actes apocryphes racontent qu`il s`est rendu en Inde ,afin d`y porter la Bonne Parole.Dans tous les prodiges et propos prêtés à JÉSUS ENFANT un bibiste allemand du début du XXème siècle, G.A.VAN DEN BERGH VAN EYSINGA,a vu des emprunts au traité bouddhiste LALITAVISTARA qui relate l`enfance du BOUDDHA et aurait été écrit avant l`apocryphe. Néanmoins, cette conclusion fait aujourd`hui l`object d`une controverse. En effet,certains estiment à présent que l`anteriorité reviendrait à l`Évangile de l`Enfance et que donc l`influence se serait faite dans l`autre sens.
Quant à attribuition du texte à l`apôtre THOMAS, il s`agit en fait d`une méprise.
Cette hypothèse s`appuie sur un commentaire écrit à la fin du IVème siècle par JEAN CHRYSOSTOME, Évêque d`Antioche,d`un apocryphe aujourd`hui disparu: l`évangile de JEAN.
L`Évêque y qualifie les prodiges de l`Enfance du CHRIST "de faux et d`inventions de quelques menteurs".
Certains voient dans cette attaque une allusion claire à cette Histoire de l`Enfance de JÉSUS dont l`auteur ne serait pas, dès lors, l`apôtre Thomas mais un certain Jean...
Il n`en démeure pas moins que certains auteurs d`apocryphes,qui ont pu inspiré ceux des futurs canoniques, semblent s`être procuré de la matière par-delà les frontières de l`Empire Romain.
Pour reprendre l`expression de P.GEOLTRAIN et F.BOVON: "sur la carte géographique de la littérature chrétienne antique et médiévale-vast continent aux contours mouvants et aux marges incertaines-la littérature apocryphe occupe des territoires souvent frontaliers ,que nourrissent des cultures diverses".
GEO WIDENGREN,orientaliste et chercheur en Histoire des Religions à l`Université de Stockholm, a-il mis en évidence que dans la mythologie iranienne la naissance d`un être exceptionnel,appele généralement à sauver l`humanité, était d`ordinaire annoncée par une étoile inhabituelle.En outre,cette naissance se déroulait d`ordinaire dans une grotte.
Un tel tableau se trouve dans plusiers apocryphes et en particulier dans la vie de JÉSUS en arabe.Rédigé à l`origine en langue syriaque, ce texte résulte vraisemblabement de la compilation tardive de traditions relativement anciennes.Difficile à dater.Il présente en outre des lacunes,mais le jour qu`il se trouvait assis auprès d`une source enseignant aux gens illeurs dit: la vierge sera enceinte sans avoir connu un homme ... sans que le sceau de la virginité ait été rompu...sa bonne nouvelle dans les sept climats de la terre et les Juifs le crucifieront à JÉRUSALEM que MELCHISÉDECH a bâti; il sera ressuscité d`entre les morts et montera au Ciel.Quant au signe de la naissance,vous verrez à l`Orient une étoile plus brillante que la clarté du soleil et des étoiles qui sont dans le Ciel; car ce ne sera pas une étoile mais un ange de DIEU"(Écrits apocryphes chrétiens... p 211...).
Ce motif du personnage divin né de l`union d`une vierge avec un Dieu est sans doute l`un des plus répandus dans toutes les religions de l`histoire humaine.
On la rencontre en MÉSOPOTAMIE, vers -1000, à propos du Prophète Zoroastre, dont la mère était une prêtesse, vierge, de la déesse babylonienne Ishtar.
Il se trouve plus tard repris dans le mythe de MYTHRA, divinité plus tardive dont le culte naît de la rencontre, au IVème siècle avant J.C., de l`Orient et du monde grec après les conquêtes d`ALEXANDRE.
Le MYTHRAÏSME fleurit ensuite dans tout l`Empire Romain.Il connut une certaine vogue pendant neuf siècles avant d`être absorbé par le Christianisme, devenu la religion impériale.
D`autres personnages qui devinrent l`object de quasi-légendes après leur disparition sans pour autant être divinisés, se virent aussi attribuer ce mode de venue au monde.
PYTHAGORE,PLATON,et même JULES CÉSAR pour n`en citer que quelques-uns dans plusieurs apocryphes,la naissance virginale de JÉSUS n`est exposé que dans deux Évangiles canoniques, ceux de MATHIEU et de LUC.

II.-LA QUESTION DE LA NAISSANCE
L`Évangile de MARC,considéré comme le plus précoce des quatre, est muet sur la question et débute par le baptême dans le Jourdan, de même que celui de Jean.Constat étrange dans la mesure où il est admis que Mathieu et Luc ont tous deux puisé dans l`Évangile de Marc.
Pour expliquer, on a suggeré que les récits de la naissance dans les Évangiles de Luc et de Mathieu seraient des interpolations, des ajouts posterieurs à la redaction effective des textes.
Ces derniers auraient été effectués au IIème siècle, époque à laquelle le Christianisme vient au contact du monde héllénistique.
L`Évangile de Marc, antérieur à ceux de Luc et de Mathieu, était sans doute difusé auprès de communautés juives,or le Judaïsme ne requiert pas du Messie une naissance divine.Il ne nécessitait donc pas ce genre de modification. Les deux autres, rédigés en Grec, ne bénéficiait pas encore d`une large diffusion.
À l`occasion d`une copie, il était possible de procéder à cet ajout qui n`aurait fait que répondre aux attentes d`un lectorat empreint d`une culture où un Dieu incarné parmi les hommes devait être né d`une vierge.
CELSE, philosophe latin dont l`oeuvre est connue par la réfutation qu`en fit le Père de l`Église ORIGÈNE,écrivait en 178: "Les chrétiens ont remanié le texte original des Évangiles trois ou quatre fois,ou plus encore, et l`ont altéré pour pouvoir opposer des négations aux critiques".
Et ORIGÈNE, qui a contrbué à fixer plus tard le conon admet, dans le commentaire qu`il fait de l`Évangile de Mathieu: "Aujourd`hui, le fait est évident.Il y a beaucoup de diversité dans les manuscrits, soit par la négligence de certains copistes,soit par l`audace perverse de quelques-uns à corriger le texte, soit encore du fait de ceux qui ajoutent ou retranchent à leur gré, en jouant le rôle de correcteurs.".
En définitive, il n`y a pas, à l`origine, de difference entre futurs textes apocryphes.Il n`était pas accordé aux uns plus valeur qu`aux autres. Les deux "corpus" ont subi, au début de leur existence, le même genre de traitement: ajouts et modifications au gré des nombreuses copies successives et selon les besoins du moment.
Ce qui va instaurer la difference est, pourrait-on dire, la valeur d`usage.
Furent déclarés inautentiques les textes qui n`étaient pas utilisés dans les communautésles plus importantes, au premier rang desquelles celle de Rome. Car c`est un fait, les marges de l`Empire Romain ont livré une quantité plus importante d`apocryphes que son Centre.
Certains apocryphes ont pourtant bel et bien jouer un rôle dans la constrution de l`imagerie chrétienne.Non pas en tant que textes mais dans des représentations picturales, certaines fêtes religieuses ou certains passages de la liturgie.
C`est le cas, par exemple,des vitraux ou des ensembles sculptés qui montrent le voyage de Christ aux enfers. De même, le culte de la Vierge est entièrement constitué d`éléments apocryphes, qu`il s`agisse de sa naissance miraculeuse ou de l`Assumption,sa montée aux Cieux.
Et tel est bien l`un des intérêts majeurs de ces textes que sortent de plus en plus,de leurs cachettes. Celui de s`être emparé de mythes anciens et " d`avoir su les métamorphoser pour les rendre dans une autre langue et un autre temps".
LA FIN

Sem comentários: